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Une demi lune en Laponie

  • ThomasL
  • 10 févr. 2022
  • 25 min de lecture

Dernière mise à jour : 26 mai 2023

Des Lofotens Island au Kungsleden



Je vous propose ici de lire le premier Chapitre de mon livre "Une demi-lune en Laponie" que je suis toujours en train de peaufiner.

Avant Propos

Citadin hors pair jusqu’à ce que je m’approche de la trentaine et que je mette un pied dans le voyage en 2014, rien auparavant ne me destinait à passer autant de temps, un sac sur le dos.

Et puis une année après l’autre, les voyages s’enchainèrent, au début accompagné, puis seul sur une partie, jusqu’à que je rêve à mon premier voyage en solo. Il voit le jour fin 2017, sur l’île de Ceylan où je réalise que la vie qui me correspond, c’est celle-ci, celle d’un vagabond capable de faire tenir sa maison à l’arrière de son dos pour parcourir le monde.


Oui mais voila, on ne vit pas de « voyage », je ne voulais pas d’une année ou deux de césure, je voulais pouvoir chaque année partir à l’aventure sans pour autant faire une croix sur le plaisir au boulot.

Après mures réflexions, je me lance dans le diplôme d’Accompagnateur en montagne afin de travailler l’été et pouvoir crapahuter ici et là, le reste du temps.


Vers la fin de ma formation, je ressentais le besoin de me tester, de savoir si j’étais vraiment fait pour la vie que je m’étais choisi, alors je pris le pari fou de traverser les Lofotens Island, de continuer jusqu’à la Suède afin de rejoindre le Kungsleden, un sentier mythique de nos amis Scandinaves et de le terminer.


Afin de m’immerger au plus profond de cette aventure, je me lance le défi de ne pas devoir payer pour dormir ni pour me déplacer, je ferais tout à pied sauf cas exceptionnels. Pour ce qui est de la nourriture, je raisonnerais de la même façon, quelques courses au supermarché afin de garnir ma besace et me permettre d’être autonome en montagne une bonne semaine. J’éviterais restaurants, snacks et refuge faisant à manger. Concernant l’électricité, je ne pourrais compter que sur mon panneau solaire qui devrait me permettre d’alimenter mon téléphone et mes caméras.


Et c'est comme cela, qu'un 29 juillet 2020, je me retrouve à l’embarcadère de Bodø, plus ou moins prêt à ce qui m'attends. Dans quelques intants, je récupérerais un ferry afin de rejoindre Moskenes, point de départ de mon expédition. Ce que je vous propose de lire n’est autre que mon récit d’aventure.

Chapitre 1 - Sac à dos (Moskenes)

"Me voila aux Lofoten Islands avec cette idée folle de première expédition."


On y est, je n’aurais jamais imaginé me retrouver là ou je suis, au début de cette aventure.

Tout est allé si vite, d’une première saison mitigée en tant qu’accompagnateur en montagne à cause de mon statut de stagiaire et surtout parce que j’étais toujours dépendant de mon ancien boulot de commercial, à une saison qui n’aura pas lieu à cause du COVID19, je me retrouve aux Lofoten Islands avec cette idée folle de première « expédition ».

Es-ce que je suis prêt ? Je n’en sais trop rien, mais ce que je sais, c’est que mon sac est suffisamment lourd pour me faire osciller de droite à gauche en fonction de mes appuis… Ce ne sera pas une mince affaire, le sentier au départ de À est accidenté mais il est considéré comme suffisamment bon pour trouver sa place dans le topo.

Un chemin technique comme je les aime, on contourne un grand lac qui siège au milieu de cette vallée ou il ne semble n’y avoir qu’un seul accès, celui que j’emprunte. Mais je n’avance pas, comme si en plus de cette énorme sac à dos, je portais déjà le fardeau de mon long périple. Mon esprit a du mal à se défaire de tous ces jours de marche qui me sépare de mon objectif.

Je ne sais pas jusqu’ou j’irais mais je ferais le maximum pour aller au bout.


Il n’est pas très tard, le jour persiste assez tard dans ces latitudes en cette saison. Je suis déjà fatigué de ces 4 première heures de marche… C’est sans doute la nuit de la veille dans l’aéroport et le chemin pour venir jusqu’ici.

L’impatience de vérifier ma bonne forme à mon réveil me permet de m’endormir rapidement.


Je n’arrive pas à me réveiller, j’avais sans doute besoin de récupérer ou alors la nuit a était mauvaise… Ma tente est à quelques pas de la rive, je bénéficie d’une vue fabuleuse et paisible. J’avais fait en sorte de contourner le lac la veille pour aller camper en fond de vallée. Plus d’une heure pour déjeuner et tout ranger dans le sac. Il est toujours aussi lourd, je n’arrive pas à savoir si c’est encore lié à la fatigue persistante ou parce que celui-ci est neuf et qu’il faut que je m’y fasse.

L’ascension au col me prendra une bonne heure, les arbres sont rares ici, le sol est spongieux. D’ailleurs, je n’ai jamais vu autant de Sphaigne qu’ici. C’est une sorte de mousse à l’origine de la formation des tourbières.

Je m’en doutais, aucune possibilité depuis le col de suivre la crête pour changer de vallée et remonter vers le Nord. Il va falloir descendre, contourner à nouveau le lac.

Heureusement, la rive gauche est plus roulante. Je profite d’être au bord de l’eau à la pause déjeuner pour me baigner, s’en suit une formidable sieste au soleil affalé sur un bloc rocheux, solution idéale pour se sécher avant de se rhabiller.

De retour sur la E10, la route principale, je marche sur mes pas de la veille pour retrouver mon itinéraire en direction du Nord. Heureusement avant Sorvagen, je me faufile sur un chemin qui mène à des habitations, derrière l’une d’entres elles, je trouve un sentier qui permet de récupérer celui qui mène au Munkebu (une Cabane au milieu de nulle part qui sert de refuge aux randonneurs, c’est aussi le nom que l’on donne à ce tracé).

On prend de la hauteur en passant de lac en lac, c’est un peu plus beau à chaque fois que je me retourne. Il n’y a pas vraiment de sentier ici, vous pouvez même en suivre certains en pensant que s’ils sont visibles, c’est qu’ils mènent quelque part et bien mise à part si le « nulle part » est une destination cohérente pour vous, vous avez intérêt à être attentif si vous souhaitez maintenir le cap que vous vous êtes fixé.

J’ai déjà fait tomber ma nouvelle caméra 360 au 2ème jour… Elle était pourtant sur le trépied prévu à cet effet.

J’apprendrais une heure plus tard qu’une randonneuse, curieuse de cet étrangeté se tenant sur le sentier, l’a faite tomber en voulant la regarder de plus près. Effectivement dès lors qu’on oublie la proéminence de son sac à dos, il arrive régulièrement qu’en se retournant celui-ci effleure par inadvertance certains objets…

Il a quand même fallu débattre plusieurs minutes pour qu’elle accepte de se qualifier d’idiote et par la même occasion, s’excuser. Car au début, c’était bien moi, le fautif, à poser d’étranges objets sur le sentier, je m’expose naturellement à leur dégradation par les randonneurs ici présent. Etrange comme comportement alors que je ne m’attendait qu’a un « désolé ».


Passé cet épisode polémique, je peux continuer en direction du Munkebu, ou est posé une charmante cabane à proximité d’un lac qui finit en cascade quelques encablures au dessous. L’endroit est idyllique et j’apprécierais me reposer ici mais je n’ai pas pris soin de lire le fonctionnement des refuges en Norvège avant de me lancer dans l’aventure.

Ici pour pouvoir profiter des cabanes, il faut être membre DNT, c’est l’association qui gère la plupart des cabanes toutes équipées que vous trouverez sur votre chemin. Mais ce n’est pas tout, il faudra également prendre soin de vous annoncer et de récupérer la DNT-key, (clé vous permettant d’ouvrir le refuge) dans les villes à proximité afin de pouvoir profiter de ce genre d’hébergement. Et penser de toute évidence à la ramener les jours qui suivent.

Mais ce n’est pas vraiment l’idée, j’ai décidé de vivre une aventure en étant le plus proche de l’autonomie que ce soit pour la nourriture, l’électricité et bien évidemment le toit que je mets sur ma tête à chaque fois que la nuit tombe.

L’itinéraire se poursuit et devient même aérien, à tel point que je dois quitter mon sac à dos pour descendre, après avoir pris soin d’utiliser ma corde pour poser celui-ci quelques mètres en dessous avant de désescalader à mon tour. Enfin ça, c’est la théorie, dans la pratique le sac ballote, s’accroche à la paroi, fini par s’écraser par terre en faisant tomber la gourde qui prend bien évidemment, le soin de se vider sous mon regard accablé…

Désormais, je fixerais la gourde au sac avec un mousqueton dans ce genre de passages complexes.


On passe par toutes les émotions en montagne et surtout tous les états : fatigué, émerveillé, intrigué, énervé, heureux, épuisé et content d’arriver.

J’ai posé mes affaires en bord d’un lac au dessus du Munkebu, non loin d’un chalet en bois, de toute évidence privé mais ce soir il n’y a personne, je peux donc profiter de sa situation privilégiée bien qu’il soit fermé.

Je profite de l’ensoleillement tardif pour me prendre un bain glacial dans le Krokvatnet, heureusement qu’il fait bon a cette période de l’année. On est le 30 juillet et à ces latitudes-ci, le soleil ne se couche quasiment pas, il disparaît tout juste pour ressortir aussi net comme s’il s’amusait de nous pour nous proposer un coucher et un lever à quelques minutes d’intervalles. Ce soleil de minuit comme appelé ici en Laponie Norvégienne est bientôt terminé, à partir de maintenant les nuits seront de plus en plus longues. J’en profite pour dormir à la belle étoile, il n’y a pas de vent et je gagnerais du temps demain sur le paquetage du sac. La journée fut longue, j’ai le dos en charpie, il faut que la nuit soit régénératrice et il faut que je m’habitue au poids du sac. Allez il est temps d’installer mon campement de fortune et de se reposer, tout reste encore à faire.


Quelle journée hier ! Je n’ai pas vraiment bien dormi à la belle étoile sans doute parce que le soleil ne se couche jamais vraiment… La descente vers Vinnstad n’est pas une mince affaire entre rochers et arbustes avec ceci dit une jolie vue sur la baie. Il vous faudra passer derrière l’énorme évacuation bétonnée qui siphonne l’eau du lac jusqu’à la station plus bas, pour rester sur la bonne fente de sentier qui nous donne l’impression de s’éloigner du but. But étant de descendre à la station pour récupérer l’itinéraire en vue du prochain hameau, Vinnstad.

Une fois sur la rive et après un plongeon écourté par la présence de méduses, il faut encore longer la côte et alors là croyez-moi, bon courage. Il n’y a pas vraiment d’endroits ou passer, il faut se faufiler entre d’énormes blocs rocheux et des buissons suffisamment hauts et rigides pour vous barrer la route. Quel plaisir de retrouver des semblants de piste dans cette petit bourgade côtière qui est également le chemin d’accès par ferry pour le Kirkefjord (les fjord sont souvent inaccessibles à pied) ou un retour sur Reine (Port de pêche permettant d’accéder à d’autres destinations fluviales).

J’arrive épuisé après 5 heures passées à me frayer un passage dans cette nature omniprésente. Après une bonne sieste et un riz, sauce tomate qui deviendra mon régime habituel, j’apprends que le ferry pour le fjord suivant est à 17H55. Me voila avec deux options, attendre la fin d’après midi pour le transfert côtier ou tenter de passer par voie terrestre pour rejoindre Kirk. De toute façon, j’ai le temps de prendre quelques renseignements sur ce fameux passage et justement en discutant avec un habitant du coin, j’apprends qu’il existe bel et bien un endroit que les locaux utilisent pour passer d’un village à l’autre mais il me le déconseille dans ce sens surtout au vue de la météo. Une épaisse brume épouse parfaitement les crêtes rendant plus qu’approximatif la visibilité une fois au col…

L’incertitude étant trop présente, je décide d’acheter un ticket pour la traversée, je n’ai ni l’envie, ni le temps de perdre une nuit ici, tout ça parce que j’aurais voulu me risquer à poursuivre à pied sans jamais trouver l’accès à ce fameux itinéraire descendant de l’autre côté une fois en haut.

Ces évènement m’apprennent déjà, qu’ici je ne ferais pas comme je voudrais mais surtout comme je pourrais, c’était déjà le cas la veille, je n’avais plus suffisamment d’énergie pour me faire le Hermandal, un chouette sommet au dessus de mon bivouac.

18H30, je suis le seul à débarquer sur ce hameau composé d’une dizaine de maisons en bois ou la vie à l’air de s’écouler paisiblement, voir même de plus s’écouler du tout. Le sol est humide, le brouillard colle encore aux sommets et je me retrouve bientôt sans aucune visibilité. 20 heures est passé lorsque je rejoins le Horseidvanet, le lac ou j’avais prévu de passer la nuit mais tout est trempé dans le coin… Je n’ai d’autres choix que de m’attaquer à la prochaine étape, une ascension qui se poursuit à flan de colline pour descendre quelques kilomètres plus loin en direction du Fageråvatnet tout ça dans cet épais brouillard. En espérant que les conditions de bivouac soit meilleures sur l’autre versant. Mon sac est encore plus douloureux, je crois que les différents frottements m’ont rendus à fleur de peau. Un mal de tête me gagne, la journée n’en finit plus, je n’ai désormais qu’une seule envie, dormir…

Je vais devoir attendre 22H30 pour profiter de mon campement, il me reste encore à me doucher, l’eau est glaciale à cette heure tardive. Je n’ai aucun appétit mais je me force à manger un bout, je sais par expérience que c’est la fatigue qui joue sur ma faim.

De toute évidence après cette journée qui n’a jamais finit de s’allonger, mon corps a besoin d’énergie. Me voila, enfin dans mon duvet à l’abri des moustiques qui eux, se sont fait un plaisir de me remonter le moral en me dévorant… Désormais, je n’ai plus qu’à trouver le sommeil malgré mes céphalées qui n’ont cessés de s’accentuer et ces étranges bruits de piafs à l’extérieur…


La brume est encore présente tout comme les moustiques et ma petite forme. Il faut que cela cesse, je n’ai jamais commencé une randonnée avec un tel niveau de fatigue.

Je déjeune aussi vite que possible, range mes affaires encore humide de la nuit et me mets en route. Rien n’a changé ici, tout est boueux, rocheux, accidenté et pour ne pas me faciliter la tache, de large arbustes me contraignent à changer d’itinéraire régulièrement…

Je récupère un bout d’asphalte et même si je ne suis pas venu ici pour marcher dans ces conditions, j’avoue que cela est reposant. Quelques maisons arborent fièrement le drapeau Norvégiens face à la mer qui vient buter dans ce fjord communément appelé ici, Selfjorden.

Il n’y a que peu de maisons occupées, sans doute des résidences secondaires. Je quitte la route pour filer en montagne, les lacs s’empilent à nouveau les uns au dessus des autres, jalonnés par de grandes parois rocheuses, j’ai l’étrange sensation d’être dans mes Alpes Françaises. Je profite de ce cadre pour déjeuner et faire une sieste, j’adore pouvoir m’endormir sur un bout d’herbe, le visage au soleil avec cette brise rafraichissante, l’équilibre parfait.

Je vais mieux, je me sens en jambes comme on dit et j’ai réussi à régler mon sac même si je ressens toujours les frottements. Après l’Agovatnet, le sentier remonte une dernière fois avant de plonger, sur une baie gigantesque ! On a du mal à en croire ses yeux, on passe tout simplement d’un paysage alpin à une plage sauvage aux allures Bretonnes. Le spectacle est à couper le souffle !

Je m’empresse de saisir l’instant, impossible pourtant d’y faire tenir l’ensemble. Si un jour, vous vous décidez à aller à la plage de Kvalvika, partez au départ de Selfjordhytta ! Et surtout préférez passer la nuit de ce côté de ban de sable là plutôt que de l’autre, complètement assiégé par les Norvégiens et les touristes, même si l’ambiance joviale qui y plane reflète bien l’atmosphère de vacances. La baie est immense et il est facile d’y camper, j’aimerais en profiter pour me baigner mais je préfère utiliser ce temps-là pour me faire le sommet juste au dessus. Tant pis pour cette envie, je me consolerais avec le plaisir des yeux.

Le Ryten est magnifique, dominant fièrement la baie, il donne un point de vue sur l’ensemble impressionnant. Mais n’étant qu’à quelques heures de marche d’un parking, les gens s’entassent ici et je les comprends, l’objectif ne fait qu’une bouchée de ce genre de paysage. La fin d’après midi se fait sentir avec une brume qui vient soudainement couvrir l’ensemble du spectacle me rappelant que si je souhaite dormir en bord de mer, il est grand temps d’y aller. La descente se fait en direction du fameux parking et du village côtier de Fredvang qui ne présente pas vraiment d’intérêt d’ailleurs. L’immense Fredvang Bro n’est ni plus ni moins que le nom du pont qui me permettra de rejoindre l’île de Flakstadøya, où mes pas commencent à peser le poids de cette journée et mon impatience d’arriver enfin sur la rive d’en face doit se faire deviner par le moindre automobiliste croisant mon regard.

De plus près, la mer dévore le sable d’une étendue d’algues épaisse me contraignant à m’interroger sur la possibilité de passer la nuit dans les environs. Heureusement une tente est déjà dressée, voila qui est rassurant. J’en profite pour saluer mes voisins d’une nuit et je jète mon sac à une distance suffisante de ceux-ci pour ne pas gâcher leur vue mer.

J’ai à peine le temps de déballer mon sac que j’entends au loin un braillement humain. Le voisin tout sourire m’agite au loin une bouteille de vin et maintenant que le contexte est clair, je parviens parfaitement à comprendre le « Alcohol » qui me paraissait pourtant si étranger quelques secondes auparavant. C’est dingue comme ce genre de breuvage est un appel à l’échange, un appel facile qui outrepasse les langages mais qui n’outrepasse pas une douche et des vêtements propres.

Majvin est Allemande et enseigne en cours primaire depuis 2 ans, elle est venue visiter son ami, Igor qui travaille à Tromsø apparemment dans un bureau d’étude sur le cancer en tant que chimiste.

Quel plaisir ce blanc fruité, Allemand lui aussi, parfait avec ce reste de pâtes façon pesto avec de vrais morceaux d’ail, un délice. Ils sont mieux équipés que moi et peuvent vraiment faire la cuisine, il faut dire qu’ils voyagent en voiture et qu’ils sortent la tente en bordure de route une fois la fin de journée arrivée. Ils peuvent donc se permettre d’emporter tout le nécessaire avec eux. Tout cela ne m’empêchera pas de me concocter mon habituel riz, sauce tomate pour accompagner mon deuxième verre de vin. Et pour embellir ce moment, le soleil est en train de se jeter derrière les montagnes offrant à la baie de belles couleurs chaudes. Je refuse poliment le troisième verre et file me coucher, « What a day » comme dirait nos amis Anglophones. L’ascension du Ryten et cette imprévisible soirée ont fait du bien à mon moral !

Ce matin, la crique où je me réveille est toujours aussi belle, les couleurs ont changées, le ciel est d’un bleu éclatant et le soleil donne l’impression de déjà être à son zénith. Il y a aussi des moments comme celui-ci, riche d’enseignement. Je pensais atténuer le goût iodé de l’eau de mer en la faisant bouillir mais c’est peine perdue… Mon porridge à un goût infâme, quelle idée ai-je eu de croire que la salinité de l’eau pouvait être impacté par la température de celle-ci… Quoiqu’il en soit, je n’avais pas d’autre choix. Impossible de finir, qu’importe dans une heure, je serais à Ramberg pour faire des courses.

Je salue mes voisins Allemands avant de suivre le bitume déjà bien fréquenté à ces heures matinales par de nombreux camping-car et vans aménagés en tout genre.

Une heure plus tard, me voila au Bunnpris, les Allemands sont eux-aussi sur le parking, amusant de se croiser à nouveau.

L’heure tant attendue de shopping alimentaire est enfin arrivée, je vais pouvoir manger sans aucune modération. Et entre le fromage Norvégien (une étrange patte molle) et les oeufs, je craque pour un soda frais à base de thé. Une table comme on trouve dans les espaces d’aire d’autoroute me permettra de bruncher sans limite tout en restant concentré sur les 7 minutes nécessaires à mes oeufs pour bouillir et ainsi se glisser dans mon sac sans risquer d’en faire partie intégrante. Les deux fois 33 cl de thé glacé se font d’une traite, un pur plaisir. C’est dingue comme certaine chose banale peuvent égayer votre quotidien quand celui-ci est privé de tout depuis quatre jours.

Reput à sa juste mesure, je reviens sur mes pas afin de m’enfoncer en direction du Skelfjorden sur chemin d’asphalte et ce pour un moment, à mon grand désespoir. Je n’ai pas vraiment d’autres possibilités pour rejoindre Nusfjord et même si je suis en bord de mer, quatre heures de marche dans ces conditions, c’est vraiment « Boring ».

Le hameau de Nesland marque la fin de cette monotonie, et il était grand temps car je n’ai plus d’eau ni trouvé d’endroit où déjeuner… Une galerie d’art est ouverte, le jardin est fleuri et soigné, il se distingue largement des autres, le hall d’entrée grouille d’enfants et d’ados, il me laisse passer en m’observant attentive, ce qui me permet de m’adresser à la maîtresse des lieux qui à l’effigie de sa maison, donne l’impression d’être restée bloquée à une autre époque comme si je venais en passant la porte de remonter le temps. Je ne suis pas ici pour les tableaux mais simplement pour remplir ma gourde, on me dit de faire comme chez moi, alors je pousse une lourde porte en tournant une épaisse poignée de métal afin d’accéder à la cuisine, l’évier est immense surplombé d’une plomberie en cuivre avec de larges robinets. Les murs sont chargés de décoration en tout genre et bien évidemment de peintures sans savoir si c’est uniquement en rapport avec la galerie qui est sensée se tenir ici. Je remercie tout ce joli monde avant de repasser dans notre époque ou mon appétit est toujours saisissant malgré cette aparté temporelle.

Une vieille table à l’extérieur sera parfaite pour mon déjeuner tardif. Les oeufs durs sont délicieux, ils viennent surtout apporter du neuf dans mon menu.

Allongé dans l’herbe, jambes au soleil, mon habituelle sieste me guette du coin de l’oeil surtout avec cet air marin qui se faufile sous la maison sur laquelle je suis appuyé, je ne peux rêver mieux.

Je ne me souviens jamais de mes rêves dans ces conditions, je me demande si on rêve sur de faibles plages horaire de sommeil comme celles-ci. Je demande également de l’eau (une nouvelle fois) à notre artiste d’une autre époque aux murs chargés. J’écope d’un amical « drinking boy » au vu de mes sollicitations.

Enfin un sentier, jalonnant le littoral, et qui plus est, simple comme un « bonjour ». Cette vue incessante sur ce grand bleu, ce parcours qui oscille entre d’énormes pavés rocheux et ces quelques ruisseaux qui s’attèlent à rejoindre l’eau salée, rythment mon après-midi avec douceur jusqu’à Vika, un village de pêcheur quasi à l’abandon qui n’est qu’à quelques minutes de Nusfjord, qui, elle a su tirer son épingle du jeu dans notre monde moderne. Ici on pêche toujours mais au travers de « Fishing trip », des tours organisés vous permettant de mettre à rude épreuve vos talents de pêcheurs, au détail près que les anciennes cabanes de marins ont quasiment toutes été rénovés en accommodations luxueuses empilées les unes aux autres autour de ces docks haut de gamme ou l'on trouve même un SPA et un bar hors de prix mais ayant pignon sur rue, ou plutôt pignon sur dock. Quoiqu’il en soit et que j’en pense, il y fait bon vivre. Je me laisse même séduire par un panneau « Bakery since 1980 » qui m’amène sur une authentique boulangerie, rare dans ces contrées. L’ambiance est a l’effigie de la galerie d’art croisé plus tôt, je m’attends même à me faire servir par une demoiselle en chainse avec son tablier par dessus. Et bien, je n’en suis pas loin, les pâtisseries ne me sont pas plus familières d’ailleurs. Je me laisse séduire par un énorme Skolebord, une brioche tapissée de sucre coco avec un cœur généreux de crème pâtissière, tout ça parfumé à la cardamome. Délicieux et gourmand ! Je ne suis juste pas vraiment objectif au vu des circonstances, je trouve tout ce qui me fait sortir de ma routine alimentaire, terriblement appétissant.

Je traverse le village en direction des lacs de Mallovatnet, l’endroit est idyllique, les étendues d’eau sont immenses et il se dresse une montagne en arrière plan ainsi qu’un terrain plat habitué de voir ses lieux campés. Que demander de plus pour finir cette journée ?

Les endroits comme celui-ci sont une vraie perte de temps le matin, quelques planches en bois appuyés sur d’énormes rochers servent de banc, idéal pour le petit déjeuner face au lac, moins pour partir tôt.

Un bout de route plus loin, je récupère un sentier qui prend vite de la hauteur, me donnant un dernier point de vue sur Nusfjord avant de replonger sur le littoral sans pour autant pouvoir se baigner, d’importants blocs rocheux aux aspects de falaises par endroit empêchent l’accès facile au rivage.

L’itinéraire est une vraie galère, on s’y perd au travers de sentes qui s’éparpillent et pour ne pas faciliter la tâche, ce n’est jamais plat, cela me donne l’impression de passer de dune en dune. Je finis par me lasser de cette partie et il me tarde d’arriver à Napp, c’est pourtant bien la première fois depuis Moskenes que je ressens cela. Heureusement que quelques moutons et brebis sont là pour animer un brin ma besogne, plus loin, deux lapins à l’arrière train bien blanc s’enfuient devant ma foulée d’escargot. Plaisant tout de même de croiser enfin la faune locale, je commençais après une semaine au milieu de toute cette nature laissée à son destin, à m’impatienter de voir ses habitants.

L’arrivée à Napp se fait par une digue débouchant sur un port industriel laissé par endroit, à l’abandon. Rien de particulier à voir, un village où la vie doit certainement s’écouler paisiblement et bien qu’il soit 20H, je suis toujours la recherche d’un endroit où passer la nuit. J’ai beau arpenté les lieux depuis une heure, aucun endroit approprié ne s’est proposé à moi, il n’y que des terrains accidentés et pour couronner le tout, la rivière à l’air insalubre…

J’ai quand même aperçu un bout de terrain se prêtant parfaitement à ma recherche mais le fait qu’il soit bien tondu et proche d’une maison m’oblige à taper à la porte de celle-ci pour en demander l’usage d’une nuit.

Un homme mal rasé d’une sympathie mesurée m’ouvre la porte, il à l’air surpris de voir un étranger à une heure aussi tardive surtout avant d’en connaître la raison.

Effectivement, j’avais visé juste pour deux choses, le bout de terrain lui appartient et la rivière n’a pas qu’un air de pollution, elle l’est. Grâce à ses conseils avisés et à son autorisation pour occuper son terrain, je me retrouve enfin convenablement installer et suffisamment loin de la route pour être au calme avec en prime une vue (tout de plus banal) sur Napp.

La dite « polluée » rivière ne m’empêchera pas de prendre ma douche, oui je sais ça à l’air dégoutant mais je préfère ça, à une nuit collante dans mon duvet que je ne pourrais malheureusement pas laver pendant un moment… C’est certainement ce qu’on appelle l’envers du décor, tout comme le réveil en pleine nuit à cause de la pluie, je me doutais bien qu’elle viendrait frapper à la porte de mon aventure. L’idée de devoir déjeuner dans mon alcôve et plier le matériel sous les gouttes m’empêchent de renouer avec le sommeil si bien que quand le réveil sonne, mon inconscient m’autorise un rabiot, me permettant de bénéficier d’une accalmie parfaite pour se mettre en route.

Aujourd’hui, je dois aller à Leknes et la seule option possible est d’emprunter un tunnel ou l’accès aux piétons en est interdit. Le bus ne passe que dans deux heures alors je décide de faire du « stop » mais avec la conjoncture sanitaire, il me faudra une bonne heure avant qu’un jeune de mon âge m’emmène à bord d’une célèbre voiture de rallye, à destination. Annard est pêcheur dans le coin, il part en mer dès fois plusieurs jours surtout pendant la saison qui a lieu de janvier à mai. Et contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas au saumon bien trop règlementé auquel il s’intéresse mais plutôt au Haddock. Il m’apprend que son poisson est exporté dans les grands supermarchés Français.

C’est l’occasion de mon côté de faire quelques courses pour repartir en autonomie, bien dommage car mes épaules commençaient tout juste à accepter le poids du sac.

J’en profite également pour acheter une sangle ventrale, la mienne n’arrête pas de se défaire au moindre impair et je ne voudrais pas avoir à gérer ce genre d’imprévu au beau milieu de nulle part. Il est déjà 11 heures, il est vrai que lorsque j’étais sur la planification à la maison, je ne m’étais pas accordé de timing particulier à la gestion de l’approvisionnement mais il faut que je me sépare des emballages et le plus souvent que je compartimente tout dans des sachets, que je fasse bouillir mes oeufs avant de les glisser dans le sac. La scène est d’ailleurs loufoque, très souvent j’utilise mon réchaud devant le supermarché assis à l’endroit le moins inconfortable. J’ai le droit à pas mal de regards étonnés. C’est mon premier jour sous la pluie, j’ai pu m’abriter sous un arbre pour le déjeuner mais cette fois-ci je n’y échapperait pas plus longtemps. Petit à petit, je m’éloigne du bitume pour m’enfoncer dans la steppe bien humide, je contourne quelques lacs et je m’égare encore une fois à cause de la multitude de sentiers. J’ai du mal à me repérer, je me pose devant ma carte numérique en essayant de comprendre ce qui cloche. Et effectivement au lieu de suivre les courbes de niveaux, j’ai tendance à monter. Finalement une fois l’erreur comprise, je débouche enfin sur le lac de Store où j’aperçois une cabane avec la particularité d’être recouverte d’herbe et de terre lui donnant un air de maison à « Hobbit ». Ce refuge est un luxe pour moi, surtout après toutes ces nuits à l’extérieur. L’intérieur est chaleureusement habillé de bois, trois lits encerclent la pièce, au milieu, une grande table où je prends soin d’allumer une bougie histoire de pousser l’atmosphère à son comble. Cerise sur le gâteau, il y a un poêle à bois et tout les ustensiles nécessaires à une cuisine d’altitude. Je suis en avance, je pourrais continuer deux heures si je le souhaitais mais je ne peux pas refuser cet élan d’hospitalité. Et puis le fait de ne pas avoir d’affaires à ranger demain me séduit, j’affiche déjà un grand sourire à l’idée de cette hausse de confort pour cette nuit surtout que rien ne faisait mention de cet abri sur mes cartes…

19H30, quelqu’un pointe le bout de son nez à la fenêtre, un jeune Allemand tout gringalet, blondinet et habillé de la tête aux pieds d’habits techniques, tout porterait à croire qu’il vient tout juste d’en enlever l’étiquette. La soirée est faite de crépitements, d’anecdotes autour des terribles sentiers des Lofotens et de nos historiques de randonnée de ces derniers jours, enfin si on peut appeler « soirée » quand on souffle les bougies à 21 heures pour aller dormir.

6 heures du matin, mon réveil sonne, mon voisin d’une nuit vient de partir alors qu’il est debout depuis plus de deux heures. J’ai une dent contre les « lèves tôt » qui mettent une plombe pour se préparer et qui par conséquent réveille tout le monde… Qui plus est, nous étions aussi réveillés en plein milieu de la nuit pour ouvrir la porte et la fenêtre tellement la chaleur était insoutenable à l’intérieur, ça je l’avoue, c’était de mon ressort, la dernière bûche était de trop.

En quittant les lieux, j’ai le regret de ne pas y avoir dormi comme je l’aurais imaginé. La pluie est toujours présente, mes erreurs d’orientation aussi, la terre régurgite l’eau comme si elle n’était plus capable d’en absorber d’avantage depuis bien longtemps. Mes chaussures sont parties sur la même philosophie et mon pantalon à l’air de vouloir suivre la tendance.

Depuis deux jours, j’ai l’impression de ne jamais aller dans la bonne direction, pourtant l’ayant en tête, je m’applique à être attentif. Il faut dire aussi que les cartes ne sont que peu précises. Vous pouvez être sur le sentier en allumant le GPS de votre téléphone et être physiquement au milieu d’un pré ou d’une forêt sans aucune trace de chemins. Quelques heures plus tard, je tombe à nouveau sur une cabane tout aussi nature mais plus moderne. La présentation extérieure en bois est soigné et un joli toit végétal domine l’ensemble, elle affiche d’ailleurs fièrement son nom au vu du grand écriteau ou l’on peut lire « Kvilebu ». Je profite de l’accalmie et d’un banc présent sur place pour grignoter quelque chose.

Le temps se lève enfin, m’apportant la visibilité nécessaire pour aller dans la bonne direction sans faire appel à mon téléphone. Je vois clairement la piste menant à ma dernière ascension. Et devinez quoi ? Je tombe encore sur une cabane, cette fois-ci ouverte sur la vallée avec une vue splendide, le soleil se mêle à la partie par intermittence, évidemment je profite de ces circonstances pour déjeuner ici.

L’ascension du Trolldalstinden paraît impressionnante d’en bas mais finalement une bonne heure me suffira pour me hisser sur le col. La dernière partie semble être une jolie et accessible course d’arrête. La météo a complètement changée, le ciel bleu et le soleil sont de la partie pour profiter d’une vue panoramique au sommet. On ne sait pas vraiment ou donner de la tête, c’est toujours majestueux de faire un sommet quand on est sur île alors imaginez quand vous êtes au beau milieu d’une succession de parcelles de terre quadrillées par la mer. Ce point de vue vaut le coup, si vous êtes dans les parages et qu’il fait beau, vous pouvez vous y rendre les yeux fermés, pensez à les ouvrir quand même une fois là haut.

Dans cette contemplation silencieuse, je suis rejoins par une randonneuse d’un certain âge, en périple depuis plusieurs mois. Evidemment, elle est originaire d’Allemagne. Elle me donne des conseils sur le Kungsleden qu’elle vient de réaliser quelques mois plus tôt, je lui indique par où j’ai prévu de passer pour me rendre en Suède, elle s’intéresse aussi à l’idée. La discussion s’éternise sans que les participants ne s’en rendent compte. Comme quoi, je ne suis pas le seul à avoir des idées folles !

Je descends avec le soleil dans le dos en direction de Vikjorden, une simple formalité, tout comme le dressage de la tente en bord de lac ou pour une fois même si l’herbe est humide, j’évite le classique sol spongieux dégorgeant immédiatement votre vêtement ou vous avez pris un appui trop long en dehors du matelas…

Quelle nuit ! Finalement lors d’une aventure comme celle-ci, il faut s’habituer au confort sommaire, bien que pour une fois le revêtement convenait parfaitement à mon campement, l’inclinaison du sol en était tout autre. On s’en rend malheureusement très souvent compte une fois allongé et il est généralement, par flemmardise, trop tard.

J’ai le sentiment que la journée va être longue car je ne me sens pas du tout d’attaque, bien heureusement le soleil est matinal et il distille ses rayons dans un ciel d’un bleu parfait. Après une éternité passée à ranger, je m'avance en direction de Lyngedal bien que le sentier que j’utilise n’apparaît pas sur ma carte. Pour continuer dans le paradoxe, un jalon borde mes pas tous les trente mètres, c’est à se demander ce qu’on font les cartographes Norvégiens.

Après avoir longé le lac de Lyngevatnet, on passe à nouveau devant une cabane ouverte sur celui-ci avant de récupérer un plancher de bois récemment posé pour m’assurer une progression bien plus rapide que ce que je n’avais calculée. Cela me permet de mettre en évidence que les sols gorgés d’eau que j’ai traversé jusqu’à présent ralentissent énormément ma progression avec l’inconfort d’humidifier mes chaussures. Le temps défile d’un lac à un autre pendant qu’une masse nuageuse est en train de s’accumuler au dessus de ma tête. Je presse le pas, malheureusement l’ascension du col pour retrouver la route de l’autre côté est catastrophique. C’est simple, je ne vois pas ou je mets mon pied et je n’ai aucune idée de comment celui-ci va finir par se poser. C’est comme si ici, la nature avait décidée de se dévorer elle-même. Les rochers sont recouverts de mousse qui eux-mêmes, pour faciliter le tout, sont parsemés de buissons et branchages en tout genre…

La surprise est dès fois hilarante lorsque je prends appuis d’un côté ou de l’autre, d’autres fois cela est beaucoup amusant. Quoiqu’il en soit, j’arrive enfin à destination pendant que la faim s’amuse de mon estomac alors que la matinée n’est qu’à moitié terminée. Certainement à cause de cette nuit inclinée !

Bien évidemment, une fois mon sac ouvert pour répondre favorablement à mon appétit précoce, les premières gouttes arrivent précipitant ma pause en une course contre la montre, me retrouvant même à me remettre en marche tout en mastiquant ma dernière bouchée.

L’autre versant est dans le même état sauf qu’avec une pente négative et bien je glisse ou je chute, souvent les deux d’ailleurs, dès fois dans cet ordre là mais aussi dans l’autre. Bien heureusement pour moi cet enchevêtrement de couches me garantit un amorti à chaque cascade. C’est bien la première fois que je dois troqué mon habituelle sieste digestive par un parcours d’obstacles de ce genre.

Je n’ai jamais été aussi content de fouler le bitume pourtant dégarni du moindre charme, mais il m’assure enfin de bons appuis et la possibilité de regarder plus loin que le bout de nez ou ruisselle toujours les intempéries de ce jour.

Mes vêtements atteignent désormais la limite de leur imperméabilité et j’ai bien conscience que m’arrêter me ferait pour sur, frémir de froid. C’est dans cette ambiance radieuse que je continue sur la dizaine de kilomètres d’asphalte qui n’attendent que moi. Et pour apporter un certain charme à la météo déjà capricieuse, un dédale d’automobilistes en tout genre me jalonnent continuellement à grande vitesse.

Me voila sur l’île de Gimsøya, j’aurais aimé m’éterniser ici en flânant une journée mais vous vous doutez bien qu’au vu de la situation, je préfère prendre de l’avance surtout que la traversée de ce minuscule îlots ajouterait une autre bonne partie de route alors je préfère faire l’impasse sur ce secteur. Le deuxième pont me permettant d’accéder à Austvågøy, la plus grande étendue de terre des Lofotens, est tout aussi venteux que le précédent. Dans sa partie centrale, la plus exposée, j’ai l’impression que les éléments se déchaînent, d’un côté la pluie à l’effet d’une succession de gifles sur mon visage pendant que le seul son qui me parvient est celui du frottement qu’offre la résistance de mon corps aux bourrasques, j’en suis à tenir d’une main la rambarde et de l’autre ma housse imperméable de sac qui oscille comme une voile à la tempête. C’est un brutal retour à la civilisation, mon coucher de soleil en bord de mer du côté de Ramberg empli mes pensées et c’est à pas de fourmis que je gagne l’autre rive ou les éléments se calment enfin, le vent redevient brise pendant que l’averse semble en avoir fini de me punir violemment. Au loin j’aperçois un parking aux allures d’aire d’autoroute, je m’y avance en vue de me mettre à l’abri.


Il n’y a ici qu’un long couloir qui dessert des toilettes et une salle hors sac qui malheureusement est fermée, sans doute à cause des mesures sanitaires. Qu’importe le préau à l’extérieur est idéal pour me préparer un café chaud, changer de chaussettes et enfiler ma polaire. Il était temps car je commençais à avoir les mains, qui, sous l’emprise du froid n’avait plus la capacité de faire grand chose. Je veux par là dire que l’entreprise d’ouvrir une poche pouvait rapidement se transformer en une partie d’échec des plus impérieuse.



 
 
 

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